Les derniers chiffres de l’évolution démographique indiquent une augmentation de la population habitant l’île de 20 000 habitants en cinq années. Cette croissance s’explique par un phénomène bien connu en Méditerranée: l’héliotropisme, c’est-à-dire l’attractivité des régions ensoleillées où fleurissent les résidences secondaires. Cet héliotropisme se voit renforcé par le choix calamiteux d’un modèle économique insulaire fondé sur le tout-tourisme prédateur et son corollaire, l’économie de la précarisation organisée.
De nombreux et riches retraités français et européens s’installent donc au soleil en entraînant dans leur sillage de jeunes actifs saisonniers ou travaillant dans les services nés de cet afflux. Il s’agit de la manifestation bien connue de la colonisation de peuplement qu’on ne saurait bien évidemment confondre avec les exodes économiques et sociales liées aux nécessités de travail que réalisent des populations venues du Portugal, du Maghreb ou encore d’Europe centrale et orientale.
Dans ce contexte de croissance non engendrée par le solde naturel, méfions-nous en effet des confusions, des réflexes de repli identitaires xénophobes, des populismes qui consisteraient à amalgamer l’expression de la colonisation de peuplement et les migrations économiques parallèles. Dans les deux cas de figure, il existe bien un responsable de cette situation, à savoir le secteur de la promotion immobilière lié au blanchiment massif d’argent sale. Ce secteur attire des clients fortunés en excluant les jeunes corses de l’accès au foncier et entretien des filières de main- d’ oeuvre surexploitées, en accusant les jeunes corses d’êtres mal formés et/ou sous-productifs. L’ Etat français a donc joué pleinement la carte du milieu corse contre le peuple corse.
D’aucuns songeraient peut être à stimuler le solde naturel par une politique nataliste en transformant les femmes corses en ventres au service d’un patriotisme rétrograde. Loin de nous ce projet. Le recul de l’âge des premières grossesses, au- delà de l’effet répulsif de la crise économique qui frappe le monde du travail, représente souvent un indice d’émancipation de la condition féminine. Les femmes font de plus longues études, maîtrisent mieux leur contraception et cèdent moins facilement à la pression sociétale les réduisant à un statut exclusif de mères en puissance.
Face à cette situation concrète, vécue voire intériorisée de peuple minoré, seule l’obtention de droits politiques peut contribuer à l’apaisement des tensions sociales et à la désaliénation. Ce n’est que dans la lutte pour un processus d’autodétermination et la reconnaissance des droits historiques du peuple corse, moteur de la mise en oeuvre d’une citoyenneté ouverte et assumée individuellement et collectivement, que peuvent se construire de véritables perspectives d’avenir. Une fois l’existence du peuple corse reconnue par l’obtention de droits politiques, seront corses tous les citoyens désireux de vivre et de travailler sur cette terre dans le cadre d’une communauté de destin souveraine.