Adoption d’une proposition de loi contre la spéculation immobilière et foncière :
Un outil dont l’efficacité sera avant tout lié au projet de société.
La proposition de loi présentée par les députés corses et adoptée à l’assemblée nationale française doit suivre toute la procédure des navettes législatives avant d’être validée, et aboutir à un décret d’application. Dans le cas d’une issue positive, que faut-il en penser ?
Sur le fond un outil qui permet à la Collectivité de Corse de préempter des biens au nom de l’intérêt général et d’introduire une taxation de l’économie résidentielle et spéculative est une bonne chose.
On est bien loin du projet de « Code des investissements » porté par la majorité du Mouvement National au début des années 90, mais ce pouvoir d’agir, même à minima, s’inscrit bien dans le fil des très nombreuses mobilisations passées pour un pouvoir de légiférer.
Mais même avec toutes les préventions faites par le député Acquaviva, Mme France (Jacqueline Gourault) a montré que dans des franges de l’appareil d’Etat et de la classe politique française, toute avancée démocratique en faveur de droits spécifiques pour la Corse est insupportable.
Peu importe que des élus français de tous bords aient sincèrement voté pour ce projet ou soient simplement motivés par des calculs politiques en période pré-électorale, si cela abouti bien à la création de ce levier institutionnel, c’est de sa pertinence et de sa finalité dont il faut parler.
Oui, la dépossession foncière et immobilière des Corses et de ses populations les plus fragiles et/ou précarisées est une réalité. Oui il n’est pas démagogique de dire de la part d’un député corse que les jeunes insulaires, dans la logique de spéculation effrénée actuelle, auront le choix entre l’exil et la réserve indienne. Tout comme on peut entendre de la part d’un député français qu’on ne peut pas « vivre et travailler au pays » si on ne peut pas s’y loger. Mais c’est avant tout le projet de société porté par le pouvoir exécutif corse qui déterminera le degré d’efficacité de l’outil.
Les anticapitalistes que nous sommes sont plutôt acquis à l’idée d’une socialisation des groupes immobiliers, comme cela a été voté à 56% à Berlin en octobre dernier. C’est une réponse populaire et massive très concrète face à une spéculation immobilière devenue insupportable. Mais ce qui est possible dans l’Allemagne fédérale ne l’est pas dans le carcan institutionnel français imposé arbitrairement à la Corse. Il faut donc se projeter avec les potentialités de cet outil et distinguer le technico-juridique de la volonté politique.
Nous ne sommes pas trop inquiets pour le volet fiscal de taxation de l’économie résidentielle, car nous ne voyons pas pourquoi ce qui a été expérimenté en Balagne, à l’initiative de Lionel Mortini, ne pourrait pas se généraliser à toute la Corse, en dépit du feu des spéculateurs.
C’est sur la volonté et les possibilités de préempter qu’il faudra être collectivement vigilant. Sur le plan purement technique on comprend aisément que la Collectivité de Corse ait plus de moyens financiers qu’une commune confrontée aux prédateurs. Mais sur des projets spéculatifs très lucratifs et directement liés à l’économie informelle et criminelle, c’est au Capitalisme de prédation que l’outil doit s’attaquer.
Y-aura-t-il une volonté politique de s’attaquer à ce Capitalisme de prédation qui traite le peuple corse et sa terre comme une variable d’ajustement et des produits de consommation, en les bradant aux plus offrant ?
La pauvreté record en Corse n’est pas due à la fatalité, elle résulte directement de ce Hold-up permanent sur le bien commun et la force de travail des hommes et des femmes de ce pays.
Nous le disons sans démagogie et sans peur, cet outil ne sera pertinent que s’il s’attaque aussi frontalement aux logiques spéculatives et/ou criminelles des nantis du totalitourisme. Il devra nécessairement s’appuyer sur la mobilisation populaire face une réaction violente et prévisible des prédateurs et fossoyeurs de la Corse.
A Manca